Une difficulté en matière de protection de l'environnement et du climat est que les perdants n'ont souvent aucun pouvoir. Ceux dont l'eau potable n'est justement pas potable ne peuvent régler eux-mêmes le problème parce qu'ils ne sont pas les pollueurs. Les asthmatiques qui prennent le métro ne peuvent rien contre la pollution atmosphérique. Alors comment pousser ceux qui le peuvent à le faire ?

Six méthodes pour changer les choses

Il existe plusieurs façons de pousser les consommateurs, les industriels ou les agriculteurs à faire le bon choix :

  1. obligation/interdiction — certains produits toxiques sont simplement interdits (amiante, CFC, DDT) et cer­taines technologies sont obligatoires (pots catalytiques, limite à la consom­mation totale des voitures de chaque constructeur) ;
  2. taxe — quand on ne peut (ou n'ose) pas interdire, on peut par exemple taxer les émissions de carbone de l'indus­­trie (les quotas échan­geables sont similaires à des taxes) ;
  3. taxe indirecte — les taxes sur l'essence et le malus écologique sur les voitures permettent de réduire la pollu­tion sans taxer la pollution directement ;
  4. subvention — l'État subventionne par exemple les travaux d'isolation dans l'immobilier ancien ;
  5. financement — quand un investissement est rentable économiquement une subvention n'est pas forcément nécessaire et l'État peut se contenter d'offrir des prêts (qui seront remboursés grâce aux économies effectuées) ;
  6. information — la solution la moins coercitive consiste à fournir des informations utiles et fiables, par exemple le label « agri­culture biologique », le diagnostic de performance énergétique ou à l'avenir le prix en temps réel de l'électricité.

Ces catégories ne sont évidemment pas pures. Une obligation (1) de dépolluer peut prendre la forme d'un paiement du montant cor­res­pon­dant au coût de la dépollution (2). D'autre part, une exonération de taxe joue le rôle d'une subvention ; c'est ainsi que l'État fran­çais subven­tionne le diesel des tracteurs et des moissonneuses-batteuses.

Subventions et aides au financement dans le bâtiment

L'amélioration de l'isolation des bâtiments, et de leurs performances énergétiques plus géné­ra­lement, permet aux habi­tants du loge­ment de dé­penser moins pour se chauffer. Il s'agit pour eux d'un investis­sement : payer plus aujourd'hui pour payer moins tous les ans en chauf­fage. Pour les constructions neuves, ce niveau de performance énergétique est imposé par la régle­mentation thermique (mé­thode 1). Dans l'ancien, il y a une obligation d'informer via le diagnostic de perfor­mance éner­gétique (méthode 6). Il peut y avoir un problème de finan­cement, vu qu'il faut sortir l'argent tout de suite alors que les gains ne viendront que plus tard : une aide adaptée serait dans ce cas un prêt (méthode 5).

Coût (noir) et gains (rouge et bleu) de l'isolation

Coût de l'isolation (noir), béné­fice pour les propri­étaires (rouge) et béné­fice total (bleu)

Plus on isole, plus on économise d'énergie (courbe bleue sur la figure ci-contre) mais plus on doit payer au départ (ligne noire). Isoler au-delà d'un certain point ne serait pas rentable économi­quement parce que les économies futures ne compen­se­raient pas le surcoût initial. L'intersection des courbes bleue et noire indique l'isolation opti­male — en-deça on paie plus pour se chauffer que nécessaire, et au-delà on paie plus pour isoler.

Isoler encore plus pourrait en revanche être rentable environ­nemen­talement, vu que ça permet­trait de baisser encore plus la con­som­mation d'énergie pendant des décennies. Le bénéfice total (écono­mique pour l'habi­tant et environ­nemental pour la société) corres­pond à la courbe rouge. Comme le bénéfice est plus grand à isolation égale, on voit que l'optimum corres­pond à plus d'isolation. Le problème est que ce surplus d'isolation coûte de l'argent aux propri­étaires du logement sans leur en rapporter. Pour les inciter à aller plus loin dans l'iso­lation alors qu'ils y perdraient finan­cièrement, il est néces­saire que la société (qui serait gagnante dans l'affaire) les dédommage. Il s'agit dans ce cas d'argent donné et non prêté. La flèche bleue correspond au financement par les propri­étaires (peut-être avec une aide au finan­cement) et la flèche rouge à ce qui ne peut que venir de l'État.

Cas de l'agriculture biologique

L'agriculture biologique a plusieurs buts :

  1. maintenir (ou recréer) la richesse du sol en fournissant de l'engrais organique, en opérant une rotation des cultures, en fixant l'a­zote avec des légumi­neuses, etc. ;
  2. maintenir une agriculture paysanne (comme en témoigne le terme AMAP) ;
  3. améliorer la santé des agriculteurs (qui sont les premiers exposés aux pesticides) ;
  4. réduire l'impact environnemental en utilisant moins de pesticides et d'engrais pétro­chimiques (qui nécessitent gaz naturel et énergie) ;
  5. améliorer la qualité des aliments en réduisant notamment les résidus de pesticides.

Les buts I à III bénéficiant aux agriculteurs, la collectivité n'a aucune raison de les subven­tionner. Le but IV profite à tout le monde. Le but V bénéficie directement aux clients : il est donc logique qu'ils acceptent de payer plus pour des produits plus sains. En revanche il n'y a aucune raison que les consom­mateurs paient pour les buts I, II et III, ni pour le but IV (vu que même les non-consommateurs de produits bio tirent un bénéfice).

Pour la réduc­tion de la pollution (IV), le marché tout seul ne peut être efficace, il faut une intervention de l'État. Elle pourrait a priori être subven­tionnée (méthode 4), mais une telle subven­tion serait contraire au principe que le pollueur doit être le payeur. Il faudrait commencer par appliquer le droit (notamment en matière de pollution de l'eau). L'information (méthode 6) doit être plus complète : les listes d'ingrédients mentionnent des tas de composés anodins, mais il n'y a par exemple aucune information nulle part sur les pesticides. Les engrais de synthèse (qui sont responsables entre autres des algues vertes) et les pesticides devraient être taxés (méthodes 2 et 3). Il peut aussi y avoir des subventions (méthode 4) et des finan­cements (5) en cas de transition vers l'agriculture biologique, à cause de la chute de rendement pendant quelques années.

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